Il y a bien longtemps que je n’avais pas écrit de chronique sur un roman de sf/fantasy. Rassurez-vous, je n’ai pas pour autant cessé d’en lire.
Du temps de la splendeur de ce site (car à une époque il s’agissait d’un webzine avec quelques collaborations extérieures, qui a eu ses pointes à 6/7000 visites mensuelles – en 2003, ce n’était pas si mal), j’avais commencé à rédiger une critique de l’excellente trilogie des chroniques d’un guerrier Sinnam, ouverte par le Loup de Deb. Un souci informatique – ma machine de l’époque a connu son lot de galères, et moi avec – a effacé ma critique et je n’ai jamais pris le temps de la reprendre.
La mailing liste de mon site a peu après vu l’inscription d’un Nicolas Jarry, et je me suis toujours demandé s’il ne s’agissait pas de l’auteur.
Plus récemment, je me suis mis en quête de l’édtion revue et corrigée, en deux tomes, des chroniques d’un guerrier Sinnam. Je fonde sur elle de grands espoirs car tout ce qui manquait pour faire de l’édition originale un chef d’oeuvre, c’est un gros travail d’éditeur pour raccourcir le second tome et corriger le troisième.

On parlait de la citadelle des Cendres, non ?

Oui, si je digresse ainsi, c’est pour vous faire comprendre que l’auteur a toute ma sympathie et que c’est n’est pas par manque d’affinité avec son oeuvre, ou pour régler un compte personnel, que je vais démolir cette Citadelle des Cendres, parue en 2003 aux éditions du Rocher, éditeur dont je je savais même pas qu’ils faisaient de la fantasy mais qui, s’ils font un travail d’éditeur d’aussi grande qualité sur les autres ouvrages de leur collection que sur celui-ci, n’a pas dû en faire très longtemps.

Les deux premiers tiers du roman ne sont pas si mal. On navigue à vue dans les clichés et on ne voit pas bien le lien entre les personnages, leurs buts, leurs quêtes. Nicolas Jarry parvient à leur donner de l’épaisseur, mais pas à donner un véritable horizon à son récit. Quelques longueurs y sont, pour une fois, les bienvenues dans un récit un peu trop rapide. L’univers est brossé par touches successives, c’est d’ailleurs la principale réussite de l’auteur qui attise progressivement notre curiosité : on commence à percevoir les intérêts, les conflits, le passé de cet univers, bref, les éléments d’un roman de fantasy classique de bonne facture. On se demande juste comment, nom d’une pipe, COMMENT est-il possible que ce roman puisse régler autant de fils d’intrigues dans le petit tiers restant.

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Et le dernier tiers nous donne la réponse, mais elle est tout, sauf satisfaisante. Vous commencez vaguement à comprendre les composantes de l’univers, vous comprenez presque en quoi consiste ses magies, et ses créatures magiques qui semblent un peu maléfiques. Pouf ! la principale ville du monde est détruite par une armée de démons. Point.
Ah je suis abrupt ? Pas autant que l’auteur, qui expédie cette scène en un seul paragraphe.
Et ce n’est pas là un effet d’ « ellipse » ou quelque autre effet de style. Car à partir de là il n’y a plus de roman : c’est le synopsis de ce qu’aurait dû être la citadelle des Cendres, le cycle, qui se déroule sous nos yeux. A une vitesse extravagante, s’enchaînent alors un rebondissement majeur par page (au minimum), parfois entrecoupés de répliques d’une platitude effarante, du genre qu’on écrit dans ses notes en espérant trouver mieux plus tard. Les batailles « épiques », révélations, tentatives de meurtres et prophéties s’accomplissent à une vitesse qui ne laisse aucun doute : ce roman n’est pas terminé, l’intrigue de Nicolas Jarry suggérant vraisemblablement, à l’origine, un pavé final de 1000, voire 2000 pages (l’ouvrage en compte 400). Mais là, il ne risque pas d’écrire une suite, puisque tout y est résolu, expédié, jeté en une poignée de pages.

En ce qui me concerne, c’est du jamais vu. Je ne comprends pas comment auteur et éditeur ont pu y trouver leur compte – le plus probable étant qu’ils ne soient en rien satisfaits du résultat, et que des raisons contractuelles et calendaires les aient forcés à abréger l’expérience et à publier le brouillon tel quel.
Un beau gâchis, et une lecture à éviter.
Désolé Nicolas, et promis, je ferai un jour une critique de ton premier cycle, qui sera autrement plus élogieuse.

Ronan

P.S : A noter au passage, la richesse de l’univers, aperçue en toile de fond dans l’ensemble du livre, laisse à penser qu’il a été en grande partie conçu séparément de ce récit. Probablement dans une optique de jeu de rôles.

Note :
1/5