Détaillons un peu. Le personnage de Gaïa se lance dans de grandes manoeuvres pour faire du fric. C’est bien, mais c’est déjà ce qu’elle faisait dans les 5 saisons précédentes donc c’est lassant, et on n’apprend qu’à la dernière minute qu’il y avait un autre objectif derrière. De plus, on ne saura rien du joueur IRL, de ses motivations, sa personnalité. Ca aurait peut-être été cliché de montrer la joueuse peinant à payer ses factures alors qu’elle amasse une fortune inimaginable en jeu, mais ça aurait donné une certaine profondeur au personnage – profondeur qu’il n’a pas. Même quand elle révèle avoir fait tout cela pour prendre la tête de la faction, ça ne marche pas : on s’en fout car on ne sait absolument pas ce qu’elle va en faire. A-t-elle seulement un objectif autre que le pouvoir ?

Le personnage d’Omega Zell était sans doute celui dont l’aspect IRL était le plus intéressant. Dans un passage bref et marquant, vers la fin de la série, il s’étonnait qu’un autre joueur de haut niveau veuille « s’amuser » dans un mmorpg. Cela aurait mérité d’y revenir. Il travaillait à Feminine TV, on le retrouve à commenter un match de tennis : que s’est-il passé ? On n’en saura rien. On se rappelle l’avoir vu prendre un congés maladie pour pouvoir jouer, comment cela a-t-il tourné ? On n’en saura rien. Le joueur IRL paraît fatigué, on sent qu’il passe tout son temps libre, et même plus, en jeu, sa vie n’est-elle pas en train de tourner au désastre ? On n’en saura rien. Or son personnage évolue : là où ses préjugés et sa misogynie représentaient son côté « noob » et lui apportaient un ressort comique, on le voit maintenant incapable de jouer son avatar correctement, ne suivant rien de ce qui se passe. Est-ce une conséquence de sa vie irl ? Comment réagit sa guilde, qu’on avait vu extrêmement exigeante ? On a plus l’impression que c’est utilisé pour rajouter un ressort comique, qui n’était pas forcément nécessaire. C’est d’autant plus dommage que l’acteur, Julien Guellerin, continue de progresser et me semble désormais le meilleur parmi les interprètes principaux.

Sparadrap, le prêtre noob ? On lui fait surjouer le côté geignard du personnage, il ne fait plus rien de « noob » alors que c’était le principal intérêt de son rôle, et il n’a rien d’intéressant à proposer alors que la scène inaugurale, où il gagne un tournoi de tennis espoir, permettait de mettre en place de gros ressorts scénaristiques. Son adversaire en tennis IRL aurait pu se retrouver en jeu et l’y écraser, donnant envie au joueur de s’améliorer, en jeu, et mettant en conflit ses intérêts IRL (mener à bien une carrière sportive professionnelle) et in game (devenir un bon joueur et battre son rival !). Il y avait d’autres voies possibles : on pouvait jouer sur sa relation avec son frère, ou le faire intervenir IRL plutôt qu’en jeu (pourquoi n’irait-il pas retrouver son ami Artheon IRL, puisqu’il ne peut plus le retrouver en jeu ?).

Mais là, il n’y a aucune direction : son avatar ne sert strictement à rien, le personnage IRL ne sert à rien non plus, et cela alors qu’il était le personnage central des premières saisons ! Il est d’ailleurs étonnant que Frédéric Zolfanelli, son interprète, joue aussi mal dans le film, alors qu’il était particulièrement bon dans les premières saisons.

Les autres personnages principaux du film sont Tenshirock le hackeur et son fils, le Maître de jeu Judge Dead. Ils ont gagné en importance, et leur scène initiale les montre commençant une thérapie familiale pour améliorer leurs relations père-fils en les faisant jouer de nouveaux personnages en jeu, devant collaborer sur un pied d’égalité pour avancer, sans autre préoccupation.

Contrairement à tous les autres personnages, l’interaction entre leurs vies IRL et leurs vies en jeu est évidente depuis le début et mise en relief à chacune de leurs interventions, et leur principal enjeu est immédiatement posé : ils doivent juste jouer comme le feraient deux amis, et trouver une forme d’équilibre dans leur relation. Dès lors, doit-on vraiment s’étonner si leur fil d’intrigue est l’un des plus réussis, si ce n’est LE plus réussi ? Chaque réplique, chaque mimique, chaque décision, pèse sur leur relation père-fils et a donc un intérêt immédiat pour le spectateur. On regrette juste que le lien entre leur quête et les autres ne soit pas mis en exergue plus tôt.

Un problème d’ensemble dans la narration

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