- Contourner les scènes qui « bloquent », accepter de ne pas tout écrire dans l’ordre. Je pense qu’écrire son récit de façon totalement linéaire reste la meilleure solution. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, c’est celle qui laisse le plus de liberté. Si vous écrivez d’abord la scène de fin, vous restez prisonnier de cette scène. Si vous écrivez dans l’ordre, les scènes que vous avez prévu n’arriveront souvent ni au moment, ni dans la situation que vous aviez décidés… Mais la spontanéité du récit lui donnera plus d’allant et plus de liant.

Ecrire de façon totalement linéaire a pourtant certains défauts. La plus importante, c’est qu’il arrive à beaucoup d’auteurs, moi en particulier, de rester « bloqué » sur une scène. Souvent, il s’agit d’une scène chargée en émotion. Le blocage n’est même pas devant son traitement de texte, c’est plutôt comme s’il devenait impossible d’ouvrir son traitement de texte.

L’autre défaut, c’est que certaines scènes deviennent obsédantes tant qu’elles n’ont pas été couchées sur le papier. Pour mon cycle actuel, le « climax » du premier tome tenait ce rôle. Une scène d’action atypique, extrêmement difficile à mettre en scène, et que je tenais à mettre en point d’orgue. J’ai décidé de l’écrire à un stade où un gros tiers du roman avait été rédigé. Cela me l’a sorti de la tête et m’a évité de précipiter le récit pour arriver à cette scène. En contrepartie, la liaison entre les scènes précédentes et ce « climax » s’avère plus laborieux.

Pour les scènes qui bloquent, je me prends moins la tête et accepte désormais de les « sauter » pour raconter la suite. Puis d’y revenir par touches successives. C’est toujours mieux que de ne plus rien écrire !

- Accepter « d’affronter » d’autres types de scène. Il y a certains types de scène que je n’essayais pas d’écrire, convaincu qu’ils n’étaient en quelque sorte « pas pour moi » : scène triste et scène érotique, en particulier. J’estimais ne pas en avoir besoin et avais souvent l’impression que l’inclusion de scènes érotiques, pour de nombreux auteurs, relevait davantage du « fan service » que de la véritable nécessité. Par conséquent, mes récits dégageaient des relents de sword & sorcery (l’intrigue ne s’articulant que pour lancer des scènes d’action) ou pour le synopsis sur lequel je travaillais, de conte de fée (les personnages vivant pour des histoires d’amour au coeur pur dont on ne voit rien, alors qu’elles structurent leur personnalité).

 

Après, il reste deux vérités de Lapalisse : il faut se relire beaucoup et avoir un regard externe.

- Etrangement, à force d’expérience, je ne trouve pas que le regard externe soit si crucial. Je veux dire : au niveau amateur. J’ai pourtant eu d’excellents pré-lecteurs, mais leur tâche est difficile et extrêmement subjective. Leur regard est nécessaire pour comprendre si les lecteurs se dirigent là où on veut les envoyer, il donne une chance supplémentaire de détecter les incohérences, voire les contresens (j’ai dû modifier à deux reprises une scène-clé que les lecteurs comprenaient à l’envers… Et je ne parle pas des dialogues où plus personne ne sait qui est en train de parler : on a tous eu cette difficulté à la lecture de romans professionnels, ne vous attendez pas à faire mieux).

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