Bonjour,

Un vrai post de blog aujourd’hui, je vais parler de moi et surtout d’écriture !

Pour ceux qui l’ignoreraient, je suis auteur amateur depuis de nombreuses années. J’ai écrit de la sf, de la littérature générale, de la science-fantasy et actuellement de l’heroïc-fantasy. L’écriture amateur est un sport relativement commun en France, je n’ai aucun chiffre sous la main, mais la profusion d’écrits explique, d’ailleurs, le parcours du combattant qu’est devenu le passage chez les éditeurs. Le moindre micro éditeur publiant quelques livres à mille exemplaires se retrouve noyé sous un flot ininterrompu de manuscrits amateurs, souvent inadaptés à leur ligne éditoriale, et en majorité loin du compte, que ce soit pour la forme (le style) ou le fond (le contenu).

Il y a quelques années, un auteur pro (Olivier Paquet) m’avait fait le reproche de faire le distinguo entre fond et forme dans l’écriture, arguant que les deux vont de pair. Il a raison, évidemment. Les distinguer aide juste à formaliser son analyse quand on étudie un écrit. Plus récemment, j’avais lu les commentaires d’un petit éditeur (actusf je crois ?) qui indiquait qu’en réalité, quand un éditeur reçoit des manuscrits, il n’y a pas d’un côté des romans bien écrits mais peu intéressants, de l’autre des romans intéressants mais mal écrits. Il insistait sur le fait que la qualité des deux va de pair, et qu’il recevait beaucoup de récits mal écrits ET mal ficelés.

Bref, de mon côté, j’ai eu des soucis récurrents dans ma manière d’écrire. Le premier, c’est que j’aime les récits longs, voire TRES TRES longs. J’ai besoin de pouvoir développer les personnages dans le temps, de leur faire vivre différentes phases, de pouvoir décrire mon univers et m’appuyer dessus. J’ai besoin d’avoir des sous-intrigues, de noyer des indices parfois évidents dans la masse des événements. Le second, c’est que je progresse en cours de route, donc, j’ai abandonné plusieurs récits déjà longs de plusieurs centaines de feuillets, en m’apercevant que le début n’était plus au niveau, mais aussi en notant que des incohérences apparaissaient.

Ensuite, il y a le style. Et là bien qu’il n’y ait pas de formule magique, il y a moyen de travailler plus intelligemment. J’ai passé pas mal de temps à travailler sur les écrits d’autres auteurs amateurs. C’est plus formateur que travailler sur des écrits professionnels, car cela permet de retrouver, chez les autres, les faiblesses qu’on a dans son propre style. Le manque de recul est une difficulté cruciale dans l’écriture ; en analysant l’écriture d’autres auteurs, on gagne (en partie) le recul qui nous fait défaut, et on devient capable d’assimiler plus vite les ressorts du style.

 

Peu avant la naissance de mon second fils, je me suis remis à l’écriture. Parce que ça me démangeait, et parce que de toute façon, je n’allais pas attendre d’être à la retraite pour reprendre. J’ai alors pris plusieurs décisions pour faire évoluer mes méthodes de travail. J’avais alors plusieurs années de recul sur mes derniers gros projets d’écriture, ce qui me permettait d’en tirer les leçons.

- Disposer d’un vrai outil de gestion des notes. Jusqu’à présent, j’avais un fichier pour mon synopsis (le résumé du récit complet, permettant de connaître la succession logique des différentes parties), et un autre avec quelques notes sur les personnages. J’ai remplacé ce dernier par Evernote, qui a ses défauts mais permet de créer une multitude de petites notes avec un peu de mise en forme. J’ai ainsi pu garder des notes sur les lieux, les personnages, y compris des personnages très secondaires, et d’autres aspects de l’univers. Il y a aussi des notes répertoriant les références à d’autres fictions, ou des éléments de synopsis intéressants mais abandonnés. À l’heure actuelle, un total de 154 notes, qui m’aident à assurer la cohérence de l’ensemble. Impossible à gérer avec un ou plusieurs fichiers de traitement de texte.

- Contourner les scènes qui « bloquent », accepter de ne pas tout écrire dans l’ordre. Je pense qu’écrire son récit de façon totalement linéaire reste la meilleure solution. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, c’est celle qui laisse le plus de liberté. Si vous écrivez d’abord la scène de fin, vous restez prisonnier de cette scène. Si vous écrivez dans l’ordre, les scènes que vous avez prévu n’arriveront souvent ni au moment, ni dans la situation que vous aviez décidés… Mais la spontanéité du récit lui donnera plus d’allant et plus de liant.

Ecrire de façon totalement linéaire a pourtant certains défauts. La plus importante, c’est qu’il arrive à beaucoup d’auteurs, moi en particulier, de rester « bloqué » sur une scène. Souvent, il s’agit d’une scène chargée en émotion. Le blocage n’est même pas devant son traitement de texte, c’est plutôt comme s’il devenait impossible d’ouvrir son traitement de texte.

L’autre défaut, c’est que certaines scènes deviennent obsédantes tant qu’elles n’ont pas été couchées sur le papier. Pour mon cycle actuel, le « climax » du premier tome tenait ce rôle. Une scène d’action atypique, extrêmement difficile à mettre en scène, et que je tenais à mettre en point d’orgue. J’ai décidé de l’écrire à un stade où un gros tiers du roman avait été rédigé. Cela me l’a sorti de la tête et m’a évité de précipiter le récit pour arriver à cette scène. En contrepartie, la liaison entre les scènes précédentes et ce « climax » s’avère plus laborieux.

Pour les scènes qui bloquent, je me prends moins la tête et accepte désormais de les « sauter » pour raconter la suite. Puis d’y revenir par touches successives. C’est toujours mieux que de ne plus rien écrire !

- Accepter « d’affronter » d’autres types de scène. Il y a certains types de scène que je n’essayais pas d’écrire, convaincu qu’ils n’étaient en quelque sorte « pas pour moi » : scène triste et scène érotique, en particulier. J’estimais ne pas en avoir besoin et avais souvent l’impression que l’inclusion de scènes érotiques, pour de nombreux auteurs, relevait davantage du « fan service » que de la véritable nécessité. Par conséquent, mes récits dégageaient des relents de sword & sorcery (l’intrigue ne s’articulant que pour lancer des scènes d’action) ou pour le synopsis sur lequel je travaillais, de conte de fée (les personnages vivant pour des histoires d’amour au coeur pur dont on ne voit rien, alors qu’elles structurent leur personnalité).

 

Après, il reste deux vérités de Lapalisse : il faut se relire beaucoup et avoir un regard externe.

- Etrangement, à force d’expérience, je ne trouve pas que le regard externe soit si crucial. Je veux dire : au niveau amateur. J’ai pourtant eu d’excellents pré-lecteurs, mais leur tâche est difficile et extrêmement subjective. Leur regard est nécessaire pour comprendre si les lecteurs se dirigent là où on veut les envoyer, il donne une chance supplémentaire de détecter les incohérences, voire les contresens (j’ai dû modifier à deux reprises une scène-clé que les lecteurs comprenaient à l’envers… Et je ne parle pas des dialogues où plus personne ne sait qui est en train de parler : on a tous eu cette difficulté à la lecture de romans professionnels, ne vous attendez pas à faire mieux).

Par contre, n’espérez pas qu’un lecteur non-professionnel puisse évaluer objectivement votre récit. Il y a trop d’aléas pour cela. Un lecteur peu aguerri peut s’enthousiasmer pour un récit basique et mal écrit. Et si le lecteur n’est pas dans votre cible, il peut détester un bon récit (ce jugement mis à part, il peut attirer votre attention sur des points surprenants, donc ça vaut tout de même le coup). Vos lecteurs sauront déterminer les forces et faiblesses de vos écrits, et s’ils ne correspondent pas à ce que vous aviez en tête, alors il y a un problème… Mais soit vous les connaissez et cela fausse leur jugement, soit vous ne les connaissez pas, et à moins d’avoir affaire à des professionnels, vous ne pouvez savoir à l’avance leur réel niveau et leur expérience personnelle de l’écriture. En somme, vous aurez toujours un doute, que leur avis soit négatif ou positif sur vos écrits… Enfin, les pré-lecteurs paient les pots cassés de certaines bévues. Donc, ils donnent rarement leur avis sur une version « finie » du manuscrit.

Au passage : oui, connaître vos propres faiblesses compte beaucoup.

- Quant aux relectures, je pense à présent qu’en-dessous de trois relectures complètes, le travail n’est pas terminé. Mais comme nous parlons entre amateurs, nous savons quel problème pose cette notion de « terminé » : si vous écrivez assez assidûment, dans 6 mois, des défauts surgiront dans vos précédents écrits et il faudra les repasser en revue. N’ayant pas encore envoyé mes nouveaux récits au moindre éditeur, j’ignore jusqu’où je pousserai avant de considérer un livre comme « présentable ». Pour l’instant, j’estime que si je peux relire un tome en n’hésitant ou butant que sur un passage toutes les deux ou trois pages, j’ai atteint mon but. Certains auteurs continuent à reprendre leur texte à chaque nouvelle édition (comme l’estimé Kloetzer pour « Mémoires Vagabondes », quinze ans après la première édition). Vous pouvez espérer éliminer toutes les fautes de syntaxe et d’orthographe (on peut toujours rêver), n’espérez pas obtenir un style parfait : c’est bien trop subjectif…

Si vous ne l’avez jamais lu ailleurs, sachez qu’on parle souvent des « un million de mots » nécessaires pour savoir écrire correctement. C’est colossal, puisque cela correspond à sept romans de belle taille, ou à deux fois le Seigneur des Anneaux, pour prendre une référence dans la Fantasy. Pourtant cela me paraît réaliste. J’approche des 1,5 millions, et je vois encore mon style progresser. Cela me demande davantage d’efforts pour repérer de nouvelles faiblesses et de nouveaux axes d’amélioration, mais des écrits rédigés avec 1 million de mots d’expérience il y a 1 ou 2 ans commencent à me sembler criblés de défaut… Alors qu’à leur lecture, je nourrissais naguère une profonde satisfaction…

Autant dire que les articles paraissant ça et là dans la veine « combien de temps il faut pour écrire un livre ? » ou « combien d’argent pourrait me rapporter un livre ? » me font doucement marrer : avant de parler d’écriture professionnelle, il faut déjà y être formé, et il n’y a pas de cursus pour cela. Rien, sinon ce sacro-saint million de mots, après lequel vous verrez l’écriture d’un autre oeil…

 

Ah oui, et cet article, combien de fois l’ai-je relu ? Réponse : certainement pas assez…